Rapport accablant du Comité contre la torture à l’ONU de la République démocratique du Congo. L’enfer à ciel ouvert a été mis à nu par les membres du comité. A Genève, pour la première fois Marie-Ange Mushobekwa, la ministre des droits humains, du régime Alias Kabila-Félix Tshilombo, en poule mouillée reconnaît l’existence de la torture dans son milieu carcéral. Elle a reconnu, que les détenus congolais sont victimes de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants de la part des gardiens de prisons. Elle a même ajouté : “Mais nous avons également constaté que certains détenus infligent des violences physiques à l’encontre de leurs camarades codétenus”! (…) “Ceci sans compter certains cas d’abus sexuels subis par les détenus hommes et femmes en prison” !
Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la République démocratique du Congo sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant ce rapport, Mme Marie-Ange Mushobekwa, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a déclaré que la torture physique faisait actuellement l’objet d’une législation particulière qui reprend la définition conventionnelle de la torture et précise les circonstances qui peuvent aggraver les faits prohibés par la loi et rendent imprescriptible l’action publique née de la commission des faits. La loi contre la torture stipule de manière tout à fait claire les peines applicables aux auteurs de la torture en République démocratique du Congo, a ajouté la Ministre.
Mme Mushobekwa a précisé que son pays avait ratifié en 2010 le Protocole facultatif à la Convention contre la torture [visant l’établissement d’un système de visites sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté] et que cette ratification avait été suivie par la promulgation de la loi du 9 juillet 2011 portant criminalisation de la torture en République démocratique du Congo et érigeant les actes spécifiques de torture en infraction autonome.
Mme Mushobekwa rappelé que c’est surtout en milieu carcéral que la torture est le plus pratiquée. « D’une part, les détenus sont victimes de torture, traitements cruels, inhumains et/ou dégradants de la part des gardiens de prison; mais nous avons également constaté que certains détenus infligent des violences physiques à l’endroit de leurs camarades codétenus », a précisé la Ministre. D’autre part, a-t-elle ajouté, « certains détenus réservent les mêmes types de traitements au personnel pénitentiaire ». « Ceci sans compter certains cas d’abus sexuels subis par les détenus hommes et femmes en prison, portés à notre connaissance », a poursuivi Mme Mushobekwa, avant d’affirmer que « tout cela doit cesser ! »
La délégation congolaise était également composée de M. Zénon Mukongo Ngay, Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de plusieurs fonctionnaires du Ministère des affaires étrangères et du Ministère des droits humains de la République démocratique du Congo. Elle a répondu aux questions des membres du Comité concernant, notamment, les mesures adoptées pour assurer la sécurité de la population dans les zones de conflit, la gestion des manifestations et les violences policières, les arrestations et détentions arbitraires, le respect des garanties procédurales, les violences sexuelles et les viols, l’indépendance de la justice, ou encore l’indemnisation des victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants.
M. Sébastien Touzé, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la République démocratique du Congo, a regretté que la définition du crime de torture dans le pays ne réponde qu’en partie à celle énoncée à l’article premier de la Convention et que, dans la pratique, la loi de juillet 2011 criminalisant la torture semble peu appliquée. Il a fait observer que le pays semblait ne pas disposer des moyens matériels d’appliquer la Convention; et que le Ministère des droits humains semblait ne pas être en mesure de protéger suffisamment les défenseurs des droits de l’homme. M. Touzé a suggéré de réfléchir aux choix opérés par l’État en matière de répartition et de priorisation des ressources publiques.
M. Touzé a ensuite fait état de graves violations du droit à la vie et à l’intégrité physique commises par les services de sécurité lors de rassemblements publics, notamment pendant des manifestations ayant exigé le départ du Président Kabila, durant lesquelles plusieurs dizaines de décès ont été enregistrés. La répression des manifestations pose la question des règles qui encadrent le recours à la force par la police et par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), a souligné M. Touzé, avant de déplorer que la Garde républicaine ait exhibé des chars de combat à la veille d’une manifestation le 31 décembre 2017 à Kisangani et que, dans certains cas, la police soit équipée de lance-roquettes et de grenades.
Mme Essadia Belmir, corapporteuse, s’est interrogée sur les conditions matérielles de détention en République démocratique du Congo, qui sont décrites comme problématiques par de nombreux observateurs du fait de manque de soins et de la malnutrition, notamment; mais elle a aussi pris acte de la volonté des autorités d’apporter des améliorations dans ce domaine. Mme Belmir a ensuite regretté que le viol en tant qu’acte de torture ne soit pas reconnu comme tel par les tribunaux. Elle s’est dite préoccupée par la détention préventive de mineurs en République démocratique du Congo et par le recrutement de mineurs par des forces ou groupes armés.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la République démocratique du Congo et les rendra publiques à l’issue de la session, le 17 mai prochain.
Demain après-midi, à partir de 15 heures, la délégation du Mexique répondra aux questions qui lui ont été posées ce matin par les membres du Comité.
Présentation du rapport
Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CAT/C/COD/2), établi sur la base d’une liste de points à traiter préalablement soumise par le Comité.
Présentant ce rapport, MME MARIE-ANGE MUSHOBEKWA, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a déclaré que la torture physique qui, jadis, ne constituait en République démocratique du Congo qu’une circonstance aggravante d’une infraction d’arrestation arbitraire et de détention illégale, faisait actuellement l’objet d’une législation particulière ayant enrichi et complété le Code pénal congolais. Cette législation particulière, a insisté la Ministre, reprend la définition conventionnelle de la torture et précise les circonstances qui peuvent aggraver les faits prohibés par la loi et rendent imprescriptible l’action publique née de la commission des faits. La loi contre la torture stipule de manière tout à fait claire les peines applicables aux auteurs de la torture en République démocratique du Congo, a ajouté la Ministre.
Mme Mushobekwa a ensuite précisé que son pays avait ratifié en 2010 le Protocole facultatif à la Convention contre la torture [visant l’établissement d’un système de visites sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté] et que cette ratification avait été suivie par la promulgation de la loi du 9 juillet 2011 portant criminalisation de la torture en République démocratique du Congo et érigeant les actes spécifiques de torture en infraction autonome.
Mme Mushobekwa a expliqué qu’en rédigeant le présent rapport, son pays s’est référé à la procédure simplifiée selon laquelle l’État partie ne répond qu’à la liste de questions préalablement posées par le Comité. Ainsi, a-t-elle indiqué, plusieurs préoccupations des experts du Comité ont trouvé des réponses à travers le rapport transmis. Cependant, depuis la présentation de ce rapport, plusieurs faits nouveaux concernant l’application de la Convention sont intervenus, notamment l’opérationnalisation de l’Institut national de formation judiciaire, dont l’inauguration remonte au 15 février 2019. Cette école doit permettre au personnel judiciaire dans son ensemble de renforcer ses compétences dans la mise en application de la Convention contre la torture et de la loi du 9 juillet 2011 déjà mentionnée, a précisé la Ministre.
Mme Mushobekwa a ensuite indiqué avoir « choisi depuis 2017, en tant que Ministre des droits humains, de commémorer chaque année la journée internationale de lutte contre la torture dans une prison de la République démocratique du Congo ». Elle a précisé vouloir ainsi exprimer la solidarité et le soutien de son Ministère aux victimes de la torture sous toutes ses formes. Elle a jugé important de rappeler que c’est surtout en milieu carcéral que la torture est le plus pratiquée. « D’une part, les détenus sont victimes de torture, traitements cruels, inhumains et/ou dégradants de la part des gardiens de prison; mais nous avons également constaté que certains détenus infligent des violences physiques à l’endroit de leurs camarades codétenus », a précisé la Ministre. D’autre part, a-t-elle ajouté, « certains détenus réservent les mêmes types de traitements au personnel pénitentiaire ». « Ceci sans compter certains cas d’abus sexuels subis par les détenus hommes et femmes en prison, portés à notre connaissance », a poursuivi Mme Mushobekwa, avant d’affirmer que « tout cela doit cesser ! ». La Ministre des droits humains a indiqué avoir eu l’honneur d’ouvrir à Kinshasa, le 28 juin 2017, un séminaire de renforcement des capacités des officiers de police judiciaire ainsi que des magistrats dans la lutte contre la torture en République démocratique du Congo.
Malgré l’application de la loi criminalisant la torture en République démocratique du Congo et la condamnation de certains auteurs de torture, beaucoup de choses restent encore à faire, a admis la Ministre. « Au-delà des discours, la seule manière d’éliminer la torture en milieu carcéral, c’est la sanction et la prévention. Une sanction sévère, à la hauteur du crime commis. Et la prévention en vulgarisant la loi qui criminalise la torture en République démocratique du Congo », a conclu Mme Mushobekwa.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. SÉBASTIEN TOUZÉ, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la République démocratique du Congo, a relevé que ce rapport était présenté avec dix années de retard, avant de souligner que le pays était confronté à un contexte régional et interne particulièrement complexe, ainsi qu’à une situation des droits de l’homme qui semblait s’aggraver selon un constat dressé par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme en 2018. Le Haut-Commissariat indiquait en effet à cette date que « le nombre de violations et d’atteintes aux droits de l’homme documentées par le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme avait augmenté de 20% » par rapport à 2017 et que « plus de 63% des violations des droits de l’homme ont été commises par des agents de l’État, principalement des militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des agents de la police nationale ». Le Haut-Commissariat jugeait aussi particulièrement inquiétantes les violations liées à l’activisme accru des milices et des groupes armés, a rappelé M. Touzé.
Le corapporteur a fait observer que la hausse constatée des violations des droits de l’homme était attribuable aux milices et aux groupes armés en République démocratique du Congo, ainsi qu’aux violations commises par des agents de l’État, notamment au cours d’opérations contre les groupes armés. Le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme (en République démocratique du Congo) a confirmé, pour sa part, que 535 personnes ont été tuées dans des attaques intercommunautaires contre les villes de Yumbi, Bongende et Nkolo II. M. Touzé a demandé quelles mesures le Gouvernement adoptait pour assurer la sécurité de la population dans les zones de conflit, alors que les autorités provinciales semblent avoir manqué à leurs responsabilités, en dépit de signes évidents de tension et de risques de violence.
M. Touzé a ensuite estimé que s’il répond de manière générale à un certain nombre de questions posées par le Comité, le rapport manque néanmoins de données qui permettraient au Comité d’apprécier l’effectivité des mesures prises par le Gouvernement. Il a par ailleurs regretté que la définition du crime de torture dans le pays ne réponde qu’en partie à celle énoncée à l’article premier de la Convention et que, dans la pratique, la loi de juillet 2011 criminalisant la torture semble peu appliquée.
Le corapporteur s’est d’autre part étonné que le rapport fasse état d’une collaboration avec la société civile dans le cadre de son élaboration, alors même que la société civile, selon plusieurs sources concordantes, souffre de persécutions et de privation de droits et libertés de la part des autorités nationales. M. Touzé a voulu savoir si l’entité de liaison des droits de l’homme en République démocratique du Congo et la cellule de protection des défenseurs des droits de l’homme, mentionnées dans le rapport, avaient bien été créées.
M. Touzé a ensuite souligné que les informations collectées font état de graves violations du droit à la vie et à l’intégrité physique commises par les services de sécurité lors de rassemblements publics, notamment pendant des manifestations ayant exigé le départ du Président Kabila, où plusieurs dizaines de décès ont été enregistrés. Le corapporteur a aussi cité un rapport de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) faisant état de 222 cas de menaces et de violations des droits de l’homme à l’encontre de 141 défenseurs des droits de l’homme et 39 journalistes dans le pays. La répression des manifestations pose la question des règles qui encadrent le recours à la force par la police et par les FARDC, a souligné M. Touzé, avant de déplorer que la Garde républicaine ait exhibé des chars de combat à la veille d’une manifestation le 31 décembre 2017 à Kisangani et que, dans certains cas, la police soit équipée de lance-roquettes et de grenades. M. Touzé a voulu savoir pourquoi la commission d’enquête sur les allégations de violations des droits de l’homme commises le 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018, nommée par le Gouvernement, avait recensé un nombre de décès bien inférieur aux chiffres avancés par la société civile et par le Bureau conjoint des Nations Unies.
Le corapporteur a souhaité en savoir davantage sur les compétences respectives des différents services de l’État en matière d’arrestation, de détention et d’enquête, ainsi que sur les mesures prises pour que la police reste la principale institution responsable de l’application des lois. Il a également demandé si tous les lieux de détention en République démocratique du Congo étaient effectivement placés sous autorité judiciaire, y compris un certain nombre de cachots gérés par la Garde républicaine et les forces armées.
M. Touzé a ensuite déploré que le rapport n’apporte aucune réponse aux questions du Comité relatives aux problèmes constatés lors de la garde à vue en République démocratique du Congo. Le Comité avait demandé des précisions sur les mesures prises pour garantir que toute personne arrêtée soit enregistrée formellement et conduite devant un juge dans les 48 heures, et qu’elle puisse exercer son droit de recevoir l’assistance d’un avocat, d’être examinée par un médecin et de contacter sa famille. D’autre part, la détention arbitraire semble particulièrement répandue en République démocratique du Congo, a regretté M. Touzé. Plusieurs personnes acquittées ont été maintenues en détention faute d’avoir pu accéder à leur dossier, a-t-il relevé.
Pendant le débat avec la délégation, M. Touzé a regretté que les réponses apportées par la délégation ne donnaient aucune indication sur ce que la République démocratique du Congo entendait faire pour appliquer la Convention. Il a fait observer que le pays semblait ne pas disposer des moyens matériels pour appliquer la Convention; et que le Ministère des droits humains semblait ne pas être en mesure de protéger suffisamment les défenseurs des droits de l’homme. M. Touzé a suggéré de réfléchir aux choix opérés par l’État en matière de répartition et de priorisation des ressources publiques.
M. Touzé a insisté sur le fait que la ratification du protocole facultatif implique de créer rapidement le mécanisme national de prévention [de la torture] prévu par l’instrument. Il a recommandé de dissocier ce mécanisme de la commission nationale des droits de l’homme.
L’interdiction de la torture est absolue et vaut en toutes circonstances, a insisté M. Touzé: contrairement à d’autres instruments des Nations Unies en matière de droits de l’homme, la Convention contre la torture ne prévoit aucune exception – qui serait liée, par exemple, à la sécurité des États – à cette interdiction.
La question est de savoir si le droit de manifester fait l’objet d’une répression permanente en République démocratique du Congo, a aussi relevé M. Touzé. Il a voulu savoir sur quelle base légale les autorités décident d’engager la police ou, selon les cas, d’autres forces de sécurité face à des manifestants. L’usage d’armes à feu indiscriminé par les différents corps de sécurité, avec les décès qu’il entraîne, constitue clairement un usage disproportionné de la force, outre qu’il est le signe d’une répression plus que d’une vraie gestion de l’ordre public, a dit M. Touzé.
D’autres questions de l’expert ont porté sur l’efficacité de la lutte contre l’impunité pour les auteurs d’actes de torture en République démocratique du Congo; ainsi que sur le financement et l’indépendance de l’institution nationale de droits de l’homme. Il a constaté que, malgré la ratification du Protocole facultatif, aucune loi n’établissant de mécanisme national de prévention de la torture n’avait encore été adoptée.
Enfin, M. Touzé a déploré la vétusté du parc pénitentiaire de la République démocratique du Congo et la surpopulation qui y règne. Il a voulu savoir si les autorités avaient des plans pour réhabiliter les prisons et améliorer les conditions de détention, qui sont très dures actuellement.
MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la République démocratique du Congo, a voulu savoir où en était la réforme du régime pénitentiaire annoncée par les autorités. Elle s’est interrogée sur les conditions matérielles de détention en République démocratique du Congo, qui sont décrites comme problématiques par de nombreux observateurs du fait de manque de soins et de la malnutrition, notamment; mais elle a aussi pris acte de la volonté des autorités d’apporter des améliorations dans ce domaine.
Mme Belmir a regretté les nombreuses atteintes à l’indépendance du système judiciaire congolais et la soumission des magistrats au pouvoir exécutif; elle a ajouté que le manque de ressources était une autre faiblesse du système judiciaire congolais.
Selon les informations d’organisations non gouvernementales, les forces de sécurité congolaises commettent régulièrement des actes de torture sur des personnes détenues, a poursuivi Mme Belmir. Le faible nombre de plaintes enregistrées s’explique notamment par la peur de représailles, a-t-elle indiqué.
Mme Belmir a ensuite regretté que le viol en tant qu’acte de torture ne soit pas reconnu comme tel par les tribunaux. Elle a cité les cas de vingt-sept femmes arrêtées par les forces de sécurité, privées de leurs droits procéduraux fondamentaux et soumises à des traitements inhumains. Ces violences restent généralement impunies en République démocratique du Congo, a déploré la corapporteuse.
Mme Belmir s’est aussi dite préoccupée par détention préventive de mineurs en République démocratique du Congo et par le recrutement de mineurs par des forces ou groupes armés. Elle s’est en outre interrogée sur la volonté des autorités congolaises de légiférer dans le domaine des indemnisations accordées aux victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. La corapporteuse a regretté que des fonctionnaires convaincus d’actes de torture n’aient pas été sanctionnés. Elle a recommandé que les mesures de vulgarisation de la loi portant criminalisation de la torture ciblent non seulement la population générale, mais aussi les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi.
La corapporteuse a insisté sur le fait que toutes les violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo ne peuvent être imputées aux groupes armés, comme le démontre le fait que des membres des FARDC ont été condamnés. Elle a déploré les violences sexuelles commises par des agents de l’État sur des femmes congolaises.
D’autres membres du Comité ont eux aussi insisté sur la nécessité d’indemniser les personnes – y compris les enfants recrutés de force – ayant été victimes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et ont demandé quelles mesures d’ordre juridique ou réglementaire le Gouvernement entendait prendre dans ce domaine.
La délégation a aussi été priée de décrire la procédure d’indemnisation et de réhabilitation des victimes de violences sexuelles.
Un expert a salué l’inscription, dans la Constitution congolaise, du principe de non-refoulement d’une personne vers un pays où elle risquerait d’être soumise à la torture, mais a relevé l’écart qui existe entre cette interdiction constitutionnelle et les dispositions des règlements d’application. La question se pose avec une grande acuité alors même que la République démocratique du Congo est confrontée à la présence d’un grand nombre de réfugiés sur son territoire, en particulier des enfants réfugiés, a souligné l’expert.
Réponses de la délégation
Les opérations terroristes de l’ADF-NALU et de Kamuina-Ksapu, les manifestations de l’opposition infiltrées parfois par des bandits, ainsi que les massacres de Yumbi, ont non seulement poussé des personnes à quitter leurs foyers, mais ont surtout causé des milliers de morts, a expliqué la délégation. Dans certains cas, il y a eu des poursuites contre les auteurs des violations des droits de l’homme, parmi lesquels des militaires et des policiers; mais, pour d’autres, surtout en milieu rural et dans les zones de conflit, les poursuites n’ont pu être engagées faute de dépôt de plainte par les victimes. Il est cependant vrai que certaines personnes ont été arrêtées mais pas jugées, a admis la délégation.
La délégation a ensuite expliqué que l’entité de liaison des droits de l’homme mentionnée par un expert était chargée, notamment, de l’élaboration des rapports périodiques initiaux de la République démocratique du Congo. Cette structure, de même que la cellule de protection des défenseurs des droits de l’homme créée en juin 2011, n’est pas opérationnelle à cause du contexte complexe et difficile de la République démocratique du Congo. La délégation a précisé que les autorités entendaient renforcer le cadre de protection des défenseurs des droits de l’homme par le biais d’une nouvelle loi.
La coopération entre le Ministère des droits humains et la société civile répond à la volonté du Ministère de donner le meilleur de lui-même pour maintenir la collaboration avec les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, a dit la délégation. En réponse à une demande de M. Touzé, elle a donné une liste des ONG ayant été consultées pour l’élaboration du rapport.
La délégation a regretté et condamné le fait que certains défenseurs des droits de l’homme en République démocratique du Congo aient été mis aux arrêts ou condamnés par la justice. Elle a soutenu que la meilleure manière de protéger les droits de l’homme en République démocratique du Congo est de sensibiliser en permanence les agents de l’État en organisant des séminaires de formation. Tous sont concernés, a ajouté la délégation: médecins, policiers, magistrats, militaires et même les parlementaires et les ministres.
Cependant, au-delà de la vulgarisation du contenu de la Convention, la sanction des auteurs d’actes de torture est la meilleure force de dissuasion, a ajouté la délégation: c’est pourquoi plusieurs officiers des forces armées et de police purgent des peines pour avoir été auteurs ou complices de violences sexuelles ou d’atteintes à l’intégrité physique des populations civiles. La loi sera mieux appliquée dès lors que les policiers, notamment, se seront appropriés les textes, a ajouté la délégation.
La délégation est ensuite convenue que la Commission nationale des droits de l’homme ne dispose pas encore d’un bâtiment autonome et que son budget est maigre par rapport aux défis qu’elle a à relever. Cependant, a souligné la délégation, le budget national de la République démocratique du Congo est seulement de cinq milliards de dollars des États-Unis: le Gouvernement est donc souvent confronté à des choix très difficiles, a dit la délégation.
S’agissant de la sécurité des populations dans les zones de conflit, la délégation a rappelé que son pays était confronté à des attaques par des groupes armés internes ou externes depuis vingt-cinq ans. La délégation a estimé que les agents de l’État ne commettaient pas plus de violations des droits de l’homme que les milices ou les groupes armés.
Une mission d’enquête des Nations Unies a révélé que plusieurs centaines de personnes avaient perdu la vie dans le conflit intercommunautaire dans la province de Mai-Ndombe. Le massacre de Yumbi aurait pu être évité si les chefs coutumiers avaient été plus sages, a relevé la délégation. Elle a indiqué qu’un rapport serait rendu public avant le 10 mai et que les coupables seraient déférés devant les juridictions compétentes. La délégation a ensuite admis que son gouvernement s’interrogeait sur d’éventuelles négligences de la part des autorités provinciales.
S’agissant de la répression de manifestations, la délégation a d’abord souligné que le contexte électoral avait été très tendu; et que si la Constitution garantissait la liberté de manifester, elle soulignait clairement que cela doit se faire dans le strict respect de l’ordre public. Des policiers ont été battus, certains brûlés vifs; mais rien ne peut justifier non plus qu’un policier ouvre le feu sur des manifestants non armés, a dit la délégation, ajoutant que l’intolérance avait été prêchée jusque dans certaines églises. Dans ce contexte, a poursuivi la délégation, la Commission d’enquête mixte (CEM-3121) créée par l’ancien Président Joseph Kabila a été chargée de faire la lumière sur les événements de décembre 2017 et janvier 2018. Elle a entendu 95% des personnes concernées, laissant à la justice congolaise le soin d’approfondir les enquêtes et de sanctionner les coupables.
La commission CEM-3121 a notamment recommandé que la police nationale évite d’utiliser des armes létales pendant les manifestations et qu’elle ne demande le renfort des forces armées qu’après avoir constaté l’incapacité de forces de l’ordre à maintenir l’ordre public. La commission CEM-3121 a aussi traité de l’indemnisation des victimes de ces violences, recommandant au Gouvernement de leur octroyer un subside de deux mille dollars et de prendre en charge leurs soins médicaux, en attendant le résultat des procès. Certaines victimes, aux besoins sanitaires très complexes, ont dû être prises en charge en Afrique du Sud et au Maroc, a précisé la délégation.
Toujours s’agissant des manifestations, la délégation s’est interrogée sur le moment à partir duquel on parle d’usage « disproportionné » de la force ou du déploiement « massif » des forces de l’ordre. Elle a dressé un parallèle avec le mouvement des gilets jaunes en France, qui ne sont pas armés mais devant lesquels « nous sommes (…) abasourdis par leur capacité de nuisance ». La délégation a ensuite réfuté fermement l’assertion selon laquelle de éléments des FARDC dissimuleraient leur identité en arborant l’uniforme de la police.
La délégation a ensuite assuré qu’il n’y avait pas de confusion d’attributions entre les différents services ayant des missions spécifiques de sécurité de l’État. En particulier, a-t-il été précisé, l’Agence nationale de renseignements (ANR) pourrait décider de détenir une personne qui menacerait la sécurité de l’État; mais la durée de détention ne devrait pas dépasser 72 heures sans l’aval d’un juge. Et aucun agent de l’État ne devrait recourir à la torture, quelle que soit sa forme, pour obtenir des informations, a ajouté la délégation.
La détention au secret étant strictement interdite par la loi, le Président de la République, M. Tshisekedi, a ordonné la fermeture de tous les cachots du pays. La plupart sont fermés et toutes les personnes qui y étaient détenues au secret ont été remises en liberté, a assuré la délégation.
Presque toutes les prisons datent de l’époque coloniale, a fait remarquer la délégation. Le Gouvernement est conscient de la nécessité de construire de nouvelles prisons et de les équiper de dispensaires et réfectoires qui répondent aux normes actuelles, a-t-elle assuré. Mais le budget national ne permettra pas de construire immédiatement toutes ces structures. Cependant, après un monitoring lancé par le Ministère des droits humains avec le Bureau conjoint des Nations Unies, plus de la moitié des détenus seront libérés, ce qui permettra de désengorger les prisons. La délégation a précisé que les enfants en conflit avec la loi sont détenus dans un pavillon séparé d’une prison ordinaire.
La délégation a admis que le viol a longtemps été utilisé comme une arme de guerre dans les conflits en République démocratique du Congo; mais elle s’est dite confiante dans le fait que ce phénomène reculerait en même temps que la reddition de groupes armés. En l’état actuel des choses, l’incidence des violence sexuelles a déjà reculé de moitié, a assuré la délégation. Les autorités ont pris la mesure de la gravité de ces faits, et plusieurs officiers de police et de l’armée ont été sanctionnés, tandis que des parlementaires accusés de tels faits ont vu leur immunité levée.
La délégation a aussi indiqué que son pays ne connaissait pas le problème des mutilations génitales féminines en tant que tel et que les autorités se concentraient sur la lutte contre les mariages précoces.
La délégation a enfin souligné que l’opinion publique congolaise était partagée sur la question de l’abolition de la peine de mort. La République démocratique du Congo fait partie des États qui n’appliquent plus cette peine; dans la pratique, la tendance dans la jurisprudence est très favorable à l’abolition, a ajouté la délégation.
La délégation a indiqué que son pays faisait « ce qu’il peut dans la mesure du possible, qui ne correspond malheureusement pas toujours à ce que voudraient les experts du Comité et le peuple congolais ». Elle a estimé, en particulier, que l’action du Ministère des droits humains, si elle est insuffisante, peut néanmoins être déterminante dans certains cas précis.
Enfin – à la suite d’un expert du Comité ayant, lui-même, cité un discours du docteur Denis Mukwege –, la délégation est convenue que « la République démocratique du Congo est un pays riche mais dont la population est pauvre ». Elle a assuré que le nouveau Gouvernement, conscient des lacunes dans la gestion des richesses nationales, entendait désormais mieux répartir ces richesses.
Remarques de conclusionMME MUSHOBEKWA a remercié les membres du Comité de leurs questions et remarques. Elle a invité le Comité à se rendre à Kinshasa pour se rendre compte sur place de l’application de la Convention.
M. JENS MODVIG, Président du Comité, a salué un dialogue constructif avec la délégation. Il a rappelé que la délégation disposait d’un délai de quelques jours pour apporter des réponses complémentaires par écrit.