La proposition de loi relative à la protection et à la responsabilité du Défenseur des droits humains a été adoptée ( ici 1)) par le Sénat au mois de mai 2017. C’est grâce à un processus inclusif avec la grande participation de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et la Société civile que la proposition a été adoptée avec grande satisfaction des ONGDH malgré quelques imperfections. Cette proposition de loi réceptionnée le 10 mai 2017 à l’Assemblée Nationale a connu plusieurs modifications notamment l’intitulé, l’objet de la loi, la définition du défenseur des droits humains et les missions confiées à la CNDH pour contrôler et voire recevoir serment des Défenseurs des droits humains. Les amendements et réactions de la Société civile ont été partiellement suivis. Après la présentation du Rapport de la Commission PAJ à la Plénière, quelques Honorables Députés ont introduit des Amendements ayant reflété les préoccupations de la Société civile.
Le 13 novembre 2017, la proposition de loi portant protection et régime de l’activité du Défenseur des droits humains (DDH) était inscrite à l’ordre du jour mais le vote était reporté. On peut reconnaître que la version actuelle de la proposition de loi a intégré quelques préoccupations de la Société sur ce, tous les membres de la Commissions PAJ et les Honorables députés ainsi que toutes les personnes ayant intervenu de manière positive méritent d’être félicités cependant, quelques préoccupations fondamentales demeurent entre autre l’objet de la loi (I), la définition restrictive du Défenseur des droits humains (II) et les missions confiées aux Coordinations nationale et provinciales des ONG (III).
- L’objet de la loi
Le titre de la proposition de loi en examen a intégré (protection) ajoutée au régime de l’activité du Défenseur des droits humains. L’objectif poursuivi au départ n’est plus le même dans la mesure où l’article 1er de la Proposition de Loi précise que : « La présente loi fixe les règles relatives à l’activité de défenseur des droits humains en République Démocratique du Congo ».
En fait, le régime de l’activité du DDH poursuit un objectif de la création d’un « ordre professionnel des DDH ». Cette idée est contraire au Droit international des droits de l’homme qui considère que ce sont les Etats qui ont la responsabilité première pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Articles 1 point 3 et 55 point c de la Charte de l’ONU, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des droits humains). L’idée de la création d’un ordre professionnel et de l’institutionnalisation d’un régime de l’activité de DDH est la conséquence de la conception et de la définition minimaliste ou étroite du « DDH ». Toutes les personnes sont appelées à concourir à la réalisation des objectifs et des principes des nations Unies notamment les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnues même en dehors ONGDH. Que dire notamment des syndicalistes, des journalistes et des Avocats qui défendent les droits des personnes dans l’exercice de leur profession !
Saluant la participation de la RDC au Conseil des Nations Unies aux Droits de l’homme, il est souhaitable qu’elle porte l’étendard des principes et objectifs des Nations Unies en vue d’offrir des bonnes pratiques aux autres faut-il rappeler qu’ à la Conférence internationale d’experts Vienne+20 en juin 2013, la RDC était déjà félicitée pour avoir introduit au Parlement un Projet de loi de protection des défenseurs des droits humains[1] et pour avoir créé une Cellule de protection des Défenseurs des droits de l’homme au sein du Gouvernement. Il sied d’élaguer le Chapitre III section 1ère relatif aux conditions pour exercer l’activité des défenseurs des droits humains (Articles 7 à 12).
- La définition restrictive du Défenseur des droits humains
L’article 3 de la proposition de la loi définit le DDH comme « Toute personne qui, en tant que membre d’une Organisation Non Gouvernementale des droits de l’homme (ONGDH) et dans ce cadre assure la promotion, la protection et la défense des droits humains et des libertés fondamentales. Cette définition est restrictive et ne prend pas en compte les personnes œuvrant dans d’autres Associations, Institutions, organismes et Services publics de l’Etat mais peuvent contribuer à la promotion et à la protection des droits de l’homme avec des risques. La définition contenue à l’article 2 de la proposition de Loi adoptée par le Sénat est déjà une avancée. C’est la définition universelle acceptée par la Majorité d’Etats membres de l’ONU. C’est à ce titre que la Résolution 53/144 du 09 décembre 1998 de l’Assemblée Générale de l’ONU portant Déclaration des Nations Unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits universellement reconnus définit DDH comme « Toute personne a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international ».
- Les missions confiées aux Coordinations nationale et provinciales des ONGDH
Le contrôle et surveillance des ONG et Défenseurs des droits humains est à la charge de la Coordination nationale et coordinations provinciales ainsi que les Groupes thématiques. Sachant que les défenseurs des droits humains sont généralement des bénévoles, ces structures nécessiteraient des finances publiques. La création et l’adhésion tout comme le retrait d’une association est libre. En vertu de l’ article 37 de la Constitution du 18 février 2006, il y a lieu d’élaguer cette Institution comme fait de la CNDH pour envisager en inclusivité avec les DDH les conditions de faisabilité d’ un mécanisme de protection par les pairs au risque de voir les membres des coordinations et groupes thématiques rançonner leurs camarades DDH.
En conclusion , le chemin est encore long pour la promulgation de la loi de protection des DDH et son application. La bonne foi compte pour l’application des conventions internationales mais c’est aussi un crédit parmi les nations civilisées qui tiennent aux principes et valeurs universelles. La protection des DDH en RDC , elle relève de la responsabilité des dirigeants qui ont eux-mêmes la plus grande responsabilité de promouvoir les droits humains. Dans une conception noire et infondée du DDH , tout l’arsenal juridique et mécanismes de gouvernance risquent de ne rien tant il est vrai qu’on ne peut-être juge et partie en même temps. Les DDH qui dénoncent ou qui revendiquent le respect des règles établies seront malheureusement considérés comme des subversifs. La loi de protection des DDH butée à la difficulté de la conception qu’on se fait du DDH néanmoins pour quoi là où le Sénat a compris la réalité , l’Assemblée nationale ne le pourra pas ? Il appartient à toute personne au niveau national ou international, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir, de protéger et de réaliser le droit de défendre les droits de l’homme, le droit de protéger les protecteurs , le droit de défendre les défenseurs des autres.
(1) http://audf-rdc.org/wp-content/uploads/2017/11/loi-protection-DDH-adoptee-par-Senat3.pdf
[1] Service international des Droits de l’Homme (SIDH) : De la restriction à la protection : Rapport de recherche sur le cadre législatif qui régit les activités des défenseurs des droits de l’homme et sur le besoin d’une législation nationale pour protéger et promouvoir ces activités, New York, novembre 2014, p.8