Allégations: L’organisation plaignante allègue des actes de discrimination antisyndicale à l’encontre du président national de la délégation syndicale nationale de l’Office des douanes et accises (OFIDA), notamment son licenciement.
- La plainte figure dans des communications en date des 6 et 13 avril, 14 septembre et 23 novembre 2009, et des 27 janvier et 5 août 2010.
- Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mai-juin 2010 [voir 357e rapport, paragr. 5], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure
établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration (1972), il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
- La République démocratique du Congo a ratifié la convention (n°
87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (n° 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante - Dans une communication en date du 6 avril 2009, la Centrale congolaise du travail (CCT) dénonce les actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des travailleurs de l’Office des douanes et accises (OFIDA) membres de la délégation syndicale de l’OFIDA, et en particulier du président national de la délégation syndicale et représentant du personnel au comité de gestion de l’institution, M. Lubamba Kabeya. Selon l’organisation plaignante, le comité de gestion de l’OFIDA a décidé de la dissolution de la délégation syndicale en mars
- Par la suite M. Lubamba Kabeya a fait l’objet en juillet 2005 d’une arrestation arbitraire ordonnée par le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe sur réquisition d’information à la demande de l’employeur. Il a ensuite été licencié de manière illégale car sans autorisation préalable de l’inspection du travail comme l’exige l’article 258 du Code du travail. La CCT souligne en particulier la situation difficile dans laquelle se trouve M. Lubamba Kabeya qui est privé de ressources depuis son licenciement en 2005.
L’organisation plaignante dénonce en outre le refus jusqu’à ce jour de l’employeur d’exécuter les recommandations de l’Inspection générale du travail réhabilitant la délégation syndicale. - Par ailleurs, l’organisation plaignante fait état dans sa communication en date du 13 avril 2009 de graves ingérences de la part de l’OFIDA dans le processus d’élections syndicales intervenues en mars 2009. L’organisation plaignante dénonce entre autres des intimidations et le harcèlement des candidats présentés dans sa liste ainsi que la décision unilatérale de l’OFIDA en date du 16 mars 2009 de mettre à l’écart sans motif valable la liste des candidats présentée par la CCT. L’organisation plaignante indique avoir demandé l’annulation du scrutin auprès de toutes les instances possibles, sans succès.
- Dans sa communication en date du 14 septembre 2009, l’organisation plaignante indique toutes les démarches effectuées auprès des autorités publiques, en particulier le ministère de la Justice et le ministère de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale sur les faits dénoncés. Elle s’étonne du silence de l’administration à cet égard. Par ailleurs, l’organisation plaignante indique que l’Inspecteur général du travail entendu sur procèsverbal par le Procureur de la République a reconnu que la dissolution de la délégation syndicale de l’OFIDA suivie de l’organisation d’élections syndicales s’est faite en violation des dispositions légales, de même qu’il a confirmé ne pas avoir autorisé l’employeur à résilier le contrat de travail de M. Lubamba Kabeya.
- Dans ses communications en date des 23 novembre 2009 et 27 janvier 2010, l’organisation plaignante dénonce l’administration dilatoire et discriminatoire de la justice du fait de la position sociale de la personne mise en cause dans cette affaire, nommément M. Rugziwa Magera, administrateur délégué général de l’OFIDA, actuellement chargé de mission de la Direction générale des douanes et accises (DGDA).
- Dans sa communication en date du 5 août 2010, la CCT indique que le Procureur de la République a, par lettre n° 2829/D.23/10501/MOP/2010 du 26 mai 2010, instruit l’Inspecteur général du travail à exécuter l’esprit de sa lettre du 14 juin 2005 réhabilitant le délégué syndical M. Lubamba Kabeya dans ses fonctions avec toute son équipe. A cet effet, l’Inspecteur général du travail a pris la décision n° 22/METPS/IGT-JLL/JMK/003/2010 du 18 juin 2010 et a établi l’ordre de service n°22/METPS/IGT/021/010. L’organisation plaignante dénonce le refus renouvelé, par lettre n° DGDA/DG/DRH/1510 du 15 juillet 2010, du directeur général de la Direction générale des douanes et accises (DGDA), ex-OFIDA, de mettre à exécution les décisions de l’Inspecteur général du travail.
- L’organisation plaignante dénonce les répercussions de cette position de refus de la DGDA sur l’action syndicale de la CCT qui est bloquée dans l’institution et sur la situation personnelle de M. Lubamba Kabeya qui demeure sans ressources depuis 2005
B. Conclusions du comité
- Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Constatant par ailleurs qu’il s’agit du quatrième cas consécutif pour lequel le gouvernement omet de fournir toute information en réponse aux allégations présentées, le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de
plus de coopération à l’avenir. - Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127è rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184è session (1972)], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre.
[Voir premier rapport du comité, paragr. 31.] - Le comité note que le présent cas porte sur des actes de harcèlement et d’intimidation perpétrés depuis 2005 à l’encontre de dirigeants syndicaux, notamment le licenciement du président de la délégation syndicale, de la part de la Direction générale des douanes et
accises (DGDA) ainsi que son ingérence dans le processus d’élections syndicales. - Le comité observe que les faits dénoncés par l’organisation plaignante peuvent être résumés comme suit. En mars 2005, les membres de la délégation syndicale de l’Office général des douanes et accises (OFIDA) sont suspendus et la délégation syndicale dissoute par le comité de gestion de l’OFIDA et de nouvelles élections sont organisées sans tenir compte des dispositions légales.
- Le comité note l’indication selon laquelle le président de la délégation syndicale et représentant du personnel au comité de gestion de l’OFIDA, M. Lubamba Kabeya, a fait l’objet en juillet 2005 d’une arrestation arbitraire ordonnée par le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe sur réquisition d’information à la demande de l’OFIDA. Il a été licencié de manière illégale par l’OFIDA sans autorisation préalable de l’inspection du travail comme l’exige l’article 258 du Code du travail. Le comité note l’indication selon laquelle, dès 2005, l’Inspection générale du travail a recommandé sa réintégration
sans que ses recommandations aient été suivies d’effet par l’OFIDA. A cet égard, le comité souhaite rappeler qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de
discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 799.]
- Compte tenu de l’information selon laquelle l’Inspection générale du travail a demandé la réintégration du président de la délégation nationale de l’OFIDA et de son équipe dès 2005, le comité en conclut qu’il a été considéré que la destitution de la délégation syndicale et le licenciement de M. Lubamba Kabeya ont été décidés en contradiction avec les textes en vigueur. Le comité note que, dans sa plus récente communication, l’organisation indique qu’en mai 2010 le Procureur de la République a instruit l’Inspecteur général du travail d’exécuter l’esprit de sa lettre du 14 juin 2005 réhabilitant M. Lubamba Kabeya dans ses fonctions avec toute son équipe et qu’à cet effet l’Inspecteur
général du travail a pris la décision n°22/METPS/IGT-JLL/JMK/003/2010 du 18 juin 2010 et a établi l’ordre de service n° 22/METPS/IGT/021/010. Le comité relève que cinq années se sont écoulées sans que la décision de 2005 de l’Inspection générale du travail de réhabiliter la délégation syndicale de l’OFIDA n’ait été suivie d’effet. Le comité rappelle
que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention n° 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives
nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l’absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés
équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 826.] - Le comité note l’indication selon laquelle le directeur général de la Direction générale des douanes et accises (DGDA), ex-OFIDA, a refusé par lettre du 15 juillet 2010 d’exécuter les décisions de l’Inspecteur général du travail. Le comité exprime sa préoccupation devant le temps écoulé sans que la situation ne se soit arrangée, ce qui pourrait empêcher la délégation syndicale de développer effectivement ses activités de défense des intérêts de ses membres et continue de peser sur la situation personnelle de M. Lubamba Kabeya qui demeure, selon la CCT, sans ressources depuis son licenciement. Rappelant que la responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai toutes
les mesures à sa disposition pour donner suite à la décision de l’Inspection générale du travail de réhabilitation de tous les membres de la délégation syndicale de l’OFIDA, maintenant la DGDA, et de s’assurer de la réintégration de M. Lubamba Kabeya à son
poste de travail avec le versement de ses arriérés de salaire et de toute indemnité due. - Par ailleurs, le comité note que l’organisation plaignante dénonce de graves ingérences de la part de la DGDA dans le processus d’élections syndicales intervenues en mars 2009.
Selon l’organisation plaignante, les candidats issus de sa liste auraient fait l’objet d’intimidation et de harcèlement, et l’OFIDA aurait décidé unilatéralement de mettre à l’écart sans motif valable la liste des candidats présentée par la CCT. Le comité note l’indication selon laquelle les démarches auprès des autorités publiques se sont révélées
infructueuses. Le comité prend note des documents fournis par l’organisation plaignante à cet égard, notamment la notification de l’Inspection générale du travail à la direction de l’OFIDA du 14 juin 2005 lui recommandant d’annuler le processus en cours d’élections
syndicales déclarées irrégulières; la notification de l’Inspection générale du travail à la direction de la DGDA – ex-OFIDA – du 18 juin 2010 d’annuler les élections syndicales organisées en avril 2005 et mars 2009 déclarées irrégulières; l’ordre de service de
l’Inspection générale du travail du 10 juillet 2010 pour une visite d’inspection auprès de la DGDA; le rapport de mission de la visite d’inspection transmis le 19 juillet 2010 constatant la résistance de la direction de la DGDA vis-à-vis de la mission et recommandant au parquet de signifier à ladite direction la décision du 18 juin 2010 de l’Inspection générale du travail en vue de son exécution avec l’appui des forces de l’ordre si besoin est. Le comité rappelle que les travailleurs et leurs organisations doivent avoir le droit d’élire leurs représentants en toute liberté et ces représentants le droit d’exprimer les revendications des travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 389.] En outre, il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes d’ingérence des employeurs à l’égard des travailleurs et des organisations de travailleurs afin d’assurer l’efficacité pratique des articles 1 et 2 de la convention n° [Voir Recueil, op. cit., paragr. 862.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la décision de l’Inspection générale du travail d’annulation des élections syndicales tenues en avril 2005 à l’OFIDA et en mars 2009 à la DGDA, et de
s’assurer que tout processus électoral à la DGDA se déroule à l’avenir conformément aux principes de non-ingérence rappelés ci-dessus.
Recommandations du comité - Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
a) Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Constatant par ailleurs qu’il s’agit du quatrième cas consécutif pour lequel le gouvernement omet de fournir toute information en réponse aux allégations présentées, le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir. b) Rappelant que la responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement, le comité le prie instamment de prendre sans délai toutes les mesures à sa disposition pour donner suite à la décision de l’Inspection générale du travail de réhabilitation de tous les membres de la délégation syndicale de l’OFIDA, maintenant la DGDA, et de s’assurer de la réintégration de M. Lubamba Kabeya à son poste de travail avec le versement de ses arriérés de salaire et de toute indemnité due. c) Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la décision de l’Inspection générale du travail d’annulation des élections syndicales tenues en avril 2005 à l’OFIDA et en mars 2009 à la DGDA, et de s’assurer que tout processus électoral à la DGDA se déroule à l’avenir conformément aux principes de non-ingérence rappelés. Tout le texte